Marion Brunet
Frangine
Sarbacane - 2013
262 pages
14€90
« Il faut que je vous dise...
J'aimerai annoncer que je suis le héros de cette histoire, mais ce serait faux.
Je
ne suis qu'un morceau du gâteau, même pas la cerise. Je suis un bout du
tout, un quart de ma famille. Laquelle est mon nid, mon univers depuis
l'enfance, et mes racines, même coupées.
Tandis que ma frangine découvrait
le monde
le cruel
le normal
et la guerre,
ma mère et ma mère, chacune pour soi mais ensemble, vivaient de leur côté des heures délicates.
C'est à moi qu'il revient de conter nos quatre chemins.
Comment comprendre, sinon ? »
Mon avis :
Pauline rentre en seconde. Comme tous les autres élèves, elle doit remplir une fiche plus ou moins personnel la concernant. Elle raye "profession du père" pour remplacer cette phrase par "profession de la seconde mère". Pour elle, rien de plus normal puisqu'elle a deux mamans. Mais elle n'imaginait pas que ce ne serait pas normal pour les autres, puisque jusqu'ici, elle n'avait jamais eu de remarques. Mais le lycée est un milieu différent. Beaucoup ne connaissent pas sa famille et profitent alors de cette situation pour agresser psychologiquement Pauline. Menaces, insultes, coups bas, chantages ; Pauline se rend compte petit à petit qu'elle est loin du pays des Bisounours au sein de sa propre famille...
Ce roman est comme une sorte d'anecdote de cette famille banale mais hors du commun pour d'autres. L'histoire est principalement centrée sur ce qu'il s'est passé pour Pauline à un moment de sa vie, même si l'on a l'origine de la famille et les petites expériences de tout le monde face à l'homosexualité.
C'est Joachim, le frère aîné de Pauline, qui raconte tout ça. Le seul qui n'est pas autant affecté par tout ça parce qu'il n'a jamais vraiment eu la vie difficile par rapport à sa situation familiale. Alors il raconte la difficulté de ses mères et surtout celle de Pauline, qui a la vie dure depuis qu'elle est entrée au lycée...
Cette famille n'a rien de spéciale : les deux enfants se soutiennent, se chamaillent parfois, font leur vie chacun de leur côté tout en prenant soin de l'un et de l'autre ; les parents travaillent, ont leurs problèmes de couples, leurs problèmes liés à leur travail respectif ; et tous ensemble partagent des soirées de jeux de société ou jeux vidéos, discutent de leurs problèmes quand ils le jugent nécessaire, etc. Une famille banale. Et je pense que c'est là où l'auteur voulait en venir.
Ce qui est choquant, ce serait plutôt les remarques des autres... Les lycéens ne sont plus censés être des gosses, ils sont censés avoir une meilleure mentalité qu'au collège et pourtant c'est au lycée que tout empire... Sans parler des parents qui ont le même jugement que ces enfants (on voit bien d'où vient le jugement des enfants d'ailleurs...).
Autant cette famille est banale, autant elle soulève bien des questions. Il y a tellement d'intolérance, d'incompréhension, de méchanceté gratuite envers elle, que l'on en vient à se remettre en question, à voir que ce n'est pas à cette famille homoparentale de changer mais aux autres de changer leur mentalité et leur comportement... Tout un débat presque perdu d'avance pour les personnes qui ont déjà une mauvaise opinion bien arrêtée... Mais pour des jeunes, ce roman est vraiment une grosse claque. Une claque de vérité non-dite, d'évidence. Une claque qui fait réfléchir.
Comme on a le point de vue de Joachim, on ne sait pas trop ce qu'il se passe dans la tête de Pauline, surtout qu'il sait qu'elle ne va pas bien mais évite absolument d'y faire face. Jusqu'au jour où tout va trop loin. Pauline nous parait fragile au début, renfermée, trop secrète, et l'on sent alors ce poids qui lui pèse, sans même savoir ce qu'il se passe réellement. Puis, on découvre une jeune fille forte, sûre d'elle, confiante mais surtout, une jeune fille qui ne renie pas d'où elle vient malgré les doutes qui la traversent parfois.
Joachim est un garçon très gentil et protecteur, tolérant et respectueux. Quand il parle de sa propre vie, on assiste surtout à ses débats amoureux (mais pas que), qui nous rapprochent encore un peu plus de lui et de sa famille... Il nous fait vraiment part de tous les secrets, que ce soit le concernant lui ou le reste de sa famille.
Leur deux mamans, Julie et Maryline (Maline, comme l'appellent les enfants), forment un couple tout ce qu'il y a de plus normal. Elles sont très différentes l'une de l'autre, ne sont pas toujours d'accord sur tout, mais savent se serrer les coudes quand il le faut, et surtout s'aimer.
Je n'avais pas trop compris pourquoi c'était Joachim qui racontait toutes ces histoires, mais avec le recule, je pense que c'est parce qu'il est le moins concerné par les problèmes et il peut donc avoir de l'objectivité sur à peu près tout. Il a appris à vivre avec deux mamans sans tenir compte des commentaires extérieurs et il a surtout réussi à s'imposer dès le début. C'est toujours plus facile de s'imposer pour un garçon que pour une fille et l'auteure a vraiment mis le point là-dessus...
Le langage est un peu grossier par moments, ça peut faire bizarre au début si l'on n'est pas habitué mais c'est un jeune de 17 ans qui raconte son point de vue, donc c'est totalement adéquat.
Ce roman est donc une belle histoire, racontée simplement mais efficacement, sur l'intolérance, l'irrespect, l'incompréhension, la peur, le jugement, liés à l'homosexualité mais aussi sur les façons dont s'en sort chaque personnage pour des situations en particulier... Chacun à son propre caractère et sa propre façon de régler les problèmes.
54. Une bouche en mouvement - 25/170
Voilà une lecture qui fait bien envie !!
RépondreSupprimerMerci pour cette chronique très complète =)Je pense me pencher dessus du coup...
Cette lecture a l'air d'être intéressante surtout que c'est un thème plutôt d'actualité... Merci pour la découverte!
RépondreSupprimerton avis est terriblement tentant !
RépondreSupprimerComme tu dis, ça m'a frappé aussi, cette famille est vraiment on ne peut plus normale, banale, et c'est bien ce qu'il faut démontrer. Car le vrai problème, c'est l'intolérance des autres, de n'importe quelle forme (envers les homos, les gens de couleurs, les personnes plus grosses que la moyenne....etc). C'est vrai que la langue est très orale, au début ça m'a un peu fait tiquer, et puis plus on entre dedans plus on a l'impression que c'est bien un jeune garçon qui raconte cette histoire. En tout cas, un roman né-ce-ssai-re, à prescrire aux jeunes et aux ignorants!
RépondreSupprimerJe suis totalement d'accord avec toi ! Et je pense que ce roman peut beaucoup aider les jeunes à se faire leur propre opinion sur le sujet et voir ce qu'il y a réellement à voir...
SupprimerComme toi, j'ai ADORE ! :)
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